En novembre 2018 se déroulait la COP14 en Égypte. Nous croyons qu'il est important de revenir sur les résultats ayant émergés de cette dernière conférence des parties prenantes de la Convention sur la diversité biologique (CDB, en anglais CBD) afin de souligner pourquoi s'en remettre à ces conférences pour éviter le déclin de la biodiversité est dangereux. Notre lecture des résultats de la COP14 se base sur les documents décisionnels approuvés par les parties présents lors de la convention.

Il ne faut pas fouiller bien creux dans les archives de la COP14 pour réaliser à quel point ce sommet international n'aide en rien la cause qu'il prétend servir. Dans le tout premier document (14/1) approuvé par la convention, les parties de la COP14 soulignent clairement qu'aucun de leurs objectifs n'ont été atteint et qu'ils ne sont pas en voie de l'être. Cela ne les empêche tout de même pas de se féliciter candidement et à de multiples reprises d'avoir mené des évaluations ayant permis de constater l'état alarmant de la situation. L'oscillation entre le ton grave et célébratoire de la COP14 montre que les gouvernements agissent comme des comédien·ne·s. Ils y vont pour bien paraître, en sachant très bien que la biodiversité passe très loin derrière la croissance économique.

Le troisième document (14/3) de la convention est sans doute le plus intéressant puisqu'il aborde ses relations avec les multinationales extractivistes (pétrolières, minières, etc.), les banques mondiales et les gouvernements; bref, avec tous les acteurs étant à la racine de la crise liée à la biodiversité. La limpidité de ce document est frappante; il ne s'agit en rien de critiquer ceux qui nous précipitent vers la catastrophe, mais bien de les inviter à intégrer à leur modèle d'affaires des réflexions sur la biodiversité. Cela a deux conséquences principales. D'une part, la COP14 mise sur la responsabilité sociale des entreprises - qui dans les faits ont uniquement des intérêts économiques - pour régler le déclin de la biodiversité, ce qui a largement démontré son inefficacité.

D'autre part, l'intégration (traduction de l'anglais de «mainstreaming») de la biodiversité aux entreprises vise à faire valoir auprès de celles-ci le potentiel économique lié à l'exploitation de la biodiversité. Par exemple, l'article 16.A invite les organisations présentes à faire la promotion de la mise en œuvre de l'intégration de la diversité biologique dans les milieux d'affaires et le secteur financier, en "améliorant la prise en compte par les entreprises de l'importance et de la valeur de la diversité biologique dans ces secteurs". En d'autres mots, la COP14 envoie un message clair à ceux qui ont ben du cash: ils pourront toujours en faire plus s'ils compensent en investissant dans l'exploitation de la biodiversité. Tel qu'expliqué dans le texte "la commercialisation de la nature" ( en page 12 du présent journal), ces investissements ne peuvent qu'être contreproductifs.

Les documents issus de la COP14 mentionnent aussi à plusieurs reprises l'importance des consultations auprès des communautés autochtones lorsque vient le temps d'exploiter la biodiversité. Nous croyons qu'il s'agit là d'une grande hypocrisie. Bon nombre d'États présents à la COP14, notamment en Amérique du Sud, n'ont en rien consulté depuis 2018 ces communautés avant de les délocaliser brutalement pour ensuite détruire leur territoire. Au "Canada", l'État reconnait dans ses négociations avec les communautés autochtones uniquement les organes politiques qu'il a lui-même mis en place, soit les Conseils de bande. Historiquement, les communautés autochtones aujourd'hui sous l'autorité de l'État canadien avaient plutôt des chef·fe·s héréditaires qui étaient choisi-es par les aîné·e·s et qui n'avaient pas d'autorité formelle sur les communautés. Ces chef·fe·s héréditaires s'opposent fréquemment aux projets extractivistes canadiens - pensons notamment au projet de pipeline passant sur le territoire des Wet'suwet'en - mais ne sont jamais écouté·e·s, car iels ne sont pas reconnu·e·s par l'État canadien.

Dans un dernier temps, nous voulons souligner l'espoir que met la COP14 dans le développement d'une technologie miraculeuse qui pourrait nous permettre de continuer de mener des vies de merde tout en ayant une empreinte restreinte sur la biodiversité. La foi religieuse aurait-elle regagné les cœurs de nos scientifiques si fièrement athé·e·s? Cette vision d'une technologie rédemptrice se retrouve notamment dans l'article 13.K qui encourage "l'application de technologies, la recherche et le développement, et l'innovation qui sont axés sur l'intégration dans les secteurs de l'énergie et l'exploitation minière, des infrastructures et de la fabrication et la transformation". Aucune technologie ne peut permettre à une pétrolière d'être autre chose que ce qu'elle est: une compagnie qui génère des tonnes de profit en massacrant le territoire et en permettant aux automobilistes d'émettre toujours plus de CO2.

En gros, ce que nous a offert la COP14, c'est un beau discours faisant l'apologie d'un "capitalisme vert" où les grosses compagnies les plus polluantes admetteraient leur part de responsabilité et décideraient de changer leurs pratiques au détriment de leurs profits. On n'a jamais vu ça arriver. On ne verra jamais ça arriver. Lors de la COP15, ne laissons pas les mêmes pourris nous balancer au visage cette rhétorique absurde qui nous faire perdre le peu de temps qu'il nous reste pour agir.