La décennie 2011-2020 était celle de la biodiversité de l'ONU, où les pays du monde entier: "se sont employés à combattre les nombreuses causes de la perte de biodiversité", selon le secrétaire général des Nations-Unies. L'auriez-vous su si on ne venait pas de vous le dire? Les pays s'étaient donné 20 objectifs, aussi appelés "objectifs d'Aichi" dont aucun n'a été atteint. Ces objectifs devaient être revus en 2020, mais la COP15 a été reportée dû à la pandémie. C'est donc à ce moment que les pays se questionneront pour savoir ce qu'ils vont faire par la suite. 

Avant tout, l'idée générale de ces objectifs est simple: il faudrait vivre en harmonie avec la nature d'ici 2050. Cette idée peut sembler aller de soi, mais ça signifie qu'avec seulement quelques petits ajustements, il serait possible d'ignorer les pressions économiques à la base des dérèglements écologiques actuels. La croissance perpétuelle que demande le capitalisme est évidemment au centre de la destruction des écosystèmes, mais n'est jamais mentionnée. Dans cet article, nous observerons d'abord le principe de réduction des subventions nocives et le principe de consommation durable, qui sont tirés des propositions actuelles faites par la Convention sur la diversité biologique (CDB). Finalement, nous montrerons que ces principes découlent d'une interprétation erronée du concept de nature, qui la détache de notre mode de vie.

 

Moins subventionner les pollueurs ?

L'objectif nº17 de la CDB propose aux pays de réduire en partie les subventions aux compagnies qu'ils jugent nuisibles pour la biodiversité. Ainsi, la vision partagée dans ce sommet est qu'il n'est pas nécessaire de réguler et d'interdire certaines pratiques, par exemple, les techniques de gestion forestières ou l'utilisation de pesticides sur de grandes surfaces. On fait ainsi le pari que sans ces subventions, les entreprises réduiront largement leurs pratiques nocives et destructrices. Or, c'est cette absence de contrainte effective qui nous a mené·e·s à la situation actuelle: la fonderie Horne n'a pas ajusté ses émanations d'arsenic par elle-même.

De la même façon, l'objectif nº14 propose de réduire de 50% les effets sur la biodiversité en s'assurant que les pratiques de production soient soutenables. En évitant de demander aux gouvernements d'interdire les pratiques nuisibles, on reste dans l'illusion que les entreprises nuisent à la biodiversité par inconscience. Or, le principe de base des entreprises capitalistes est la réduction des coûts et la maximisation des profits. Les téléphones cellulaires en sont un bon exemple. En l'espace de dix ans, les téléphones dotés de batteries qui peuvent être remplacées par les utilisateur·trice·s ont entièrement disparu. Ceci permet en effet d'augmenter les ventes: il est possible de rendre les produits plus difficilement réparables, forçant de nombreuses personnes n'ayant pas les capacités techniques ou la patience au remplacement de leur appareil en entier. La course au profit se fait aux dépens des consommateur·trice·s et de l'environnement. Les entreprises font des aménagements superficiels comme mettre leurs téléphones dans des boîtes recyclables, mais jamais elles ne voudront vendre moins.

 

Éliminer la consommation non durable

En faisant croire à la bonne volonté des entreprises qui détruise notre environnement, on en vient à reporter la faute sur les consomma·teur·trice·s. Or, il est clair que les populations consomment ce qu'elles peuvent se permettre: pour la plupart, les aliments produits avec des pratiques néfastes pour l'environnement sont les seuls qu'iels peuvent se permettre. Encore une fois: pourquoi les productions agricole et industrielle nuisibles ne sont-elles pas interdites? En empêchant les monocultures industrielles utilisant des herbicides, la terre deviendra disponible pour des pratiques plus respectueuses, permettant à tou·te·s de bénéficier d'une agriculture plus durable et à faible coût. Ce refus d'intervenir directement et clairement montre que les pays sont prêts à sacrifier des mesures efficaces pour des indicateurs flous qui leur permettront pour la plupart d'éviter d'assumer leur responsabilité dans la destruction du vivant. Avec les objectifs nº17 et nº14, même si l'entente signée était contraignante, on laisse les entreprises continuer la destruction de la biodiversité pendant encore 10 ans sans aucune répercussion.

 

Créer des zones protégées sur 30% du globe

On peut voir dans ce vidéo comment les projets de conservations de biodiversité tendent à déplacer les personnes autochtones

Le seul objectif ayant passé près d'être atteint était la mise en place de zones protégées équivalentes à 17% de la surface terrestre. Seulement 15% ont été mises en place. Mais pourquoi donc cet objectif serait-il atteint? Les zones protégées ont pendant longtemps été basées sur une conception particulière de la nature où les humain·e·s sont absent·e·s. Cependant, il est estimé que la mise en place de zones protégées pourrait déplacer jusqu’à 100 millions de personnes dans le monde, puisque les humain·e·s se sont logé·e·s dans les espaces où la biodiversité permettait la vie. Ce sont les populations autochtones qui sont et seront principalement touchées puisqu'elles dépendent directement des processus biologiques et habitent sur des territoires réputés être non-développés. Bien que dans certains pays des aires protégées soient parfois réalisées en cogestion avec des communautés autochtones, il demeure que ces aires sont des sources de nombreux conflits. Comment s'assurer par exemple que les communautés ne seront pas davantage surveillées par les États qui leur offrent ces ententes de cogestion? Dans tous les cas, ces aires protégées sont un pansement sur une hémorragie. On prévoit entre autres l'ouverture de plus de 250 mines pour s'assurer de la production de batteries pour la transition énergétique, comme s'il était plus facile de créer des aires protégées complémentaires autour de ces mines plutôt que de mettre en place du transport en commun.

Avec de tels objectifs, il semble clair qu’on ne va pas dire aux entreprises de cesser leurs activités polluantes et qu’on responsabilisera les consommateur·trice·s de leurs achats non-durables. Rien ne peut changer tant que le profit est roi. En refusant de prendre en compte le système économique tel qu’il est, on se borne à croire à la fée de la bonne volonté, comme on a fait avec tous les objectifs précédents qui ont échoué. Pire, on donne davantage d’outils pour perpétuer le colonialisme vert, en chassant toujours plus les peuples autochtones vers les villes et les usines, vers le mode de production que l’on refuse de questionner.

On peut voir dans ce vidéo comment les projets de conservations de biodiversité tendent à déplacer les personnes autochtones