On a beaucoup parlé des impacts environnementaux qu’aura la construction de la méga-usine de batteries de Northvolt à même son site. Construction autorisée sans évaluations et sans délai, on peut dire adieu au rôle de corridor écologique que joue cet emplacement. Or, si on prend un pas de recul, qu'est-ce que ça veut dire sur le plan écologique de produire un demi-million de batteries de char par année? La voiture électrique est devenue la vedette de la transition énergétique, bien que ses conséquences environnementales soient désastreuses. En effet, la voiture électrique est une solution individuelle, capitaliste et extractiviste à la crise climatique. Elle coûte cher et ne change rien aux immenses infrastructures bétonnées des villes. Mais surtout, la voiture électrique nécessite l’extraction d’une quantité inimaginable de métaux et de minéraux.

En effet, bien qu’il n’y ait pas de gaz à effet de serre qui sorte du pot d’échappement, le problème environnemental des autos électriques se trouve ailleurs. Les batteries sont fabriquées à partir d’une combinaison de différents métaux : lithium, graphite, cuivre, niobium, zinc, titane, cobalt, nickel, manganèse, terres rares, etc. Des centaines de mines sont en train d'être creusées pour répondre à cette demande globale croissante. Or, l’extraction minière est l’une des activités les plus polluantes de la Terre. Elle utilise des volumes d’eau monstres pour séparer le minerai de la roche, contamine aux métaux lourds tout son environnement et laisse derrière elle des montagnes de déchets miniers.

Plus de 75 associations de protection des lacs se mobilisent déjà au soi-disant Québec (coalition QLAIM) face à ce boom d’exploration minière. Du côté autochtone, l’Alliance pour la défense du territoire (Land Defence Alliance) des communautés Anishnabee, Ojibwe et Oji-Crees du cercle de feu s'organise. Cette alliance s’oppose aux plans du gouvernement Ford de bulldozer la plus grande étendue de tourbière en Amérique pour y extraire les minéraux de la transition. La construction de routes et l’extraction minière dans cette zone endommageraient un écosystème qui à lui seul stocke 35 milliards de tonnes de carbone. Ainsi, par l'extraction de métaux pour fabriquer des technologies « zéro émission », le gouvernement ontarien propose de détruire l'un des plus grands puits de carbone de la planète. Cet exemple montre bien toute la contradiction de la voiture électrique : détruire l'environnement pour sauver l'environnement.

À cela, on pourrait ajouter : détruire l'environnement de qui? En Amérique latine, par exemple, 75% des investissements directs étrangers dans l’industrie minière proviennent de compagnies canadiennes. Le Canada est une sorte d’empire minier, et son drapeau est fréquemment brûlé par des manifestant·e·s en guise de protestation. Et pour cause : on estime qu’au moins 44 personnes ont été tuées, 403 blessées et 709 criminalisées entre 2000 et 2015 dans 14 pays d’Amérique latine pour s’être opposées à des projets miniers canadiens1. Les compagnies minières canadiennes amènent avec elles répression, pillage des ressources et déplacements forcés. Voiture électrique ou pas, le profit passe avant les droits humains.

C’est en faisant passer toutes ces conséquences sous silence que les décideurs arrivent à nous faire croire qu’ils sont les champions de la lutte aux changements climatiques avec leurs méga-usines de batteries de char. Quand on y pense, ce greenwashing des voitures et des mines est fort utile pour sécuriser leurs investissements. Il permet de faire taire la contestation et d'imposer un modèle d’affaires qui implique d’extraire du sous-sol de grandes quantités de ressources non renouvelables à un rythme jamais vu. Un modèle qui pellette allègrement en avant la question de la raréfaction des ressources.

On voit ainsi que l’arrivée de la voiture électrique est une heure triomphante pour l’industrie minière. Des signes de piasses dans les yeux, c’est au tour des prospecteurs miniers de monter sur le stage du développement durable, aux côtés de ces dirigeants d'usines qui s'en mettront plein les poches. Pourtant dévastatrice pour la nature et les communautés, l’industrie minière est maintenant au centre de ce shit-show qu’on appelle capitalisme vert.

Notes

  1.  Imai, Shin, Leah Gardner et Sarah Weinberger. (2017). The ‘‘Canada Brand’’: Violence and Canadian Mining Companies in Latin America. Osgoode Legal Studies Research Paper, no 17.